Comment les contrats sécurisent-ils les relations entre l’entreprise et ses partenaires ?

La phase précontractuelle

La phase précontractuelle, également appelée « pourparlers », désigne une période spécifique durant laquelle deux parties, souvent professionnelles, engagent des discussions en vue d’une éventuelle conclusion de contrat. Cette étape permet d’évaluer la faisabilité d’un accord et d’en définir les termes. Elle intervient généralement dans des contextes à forts enjeux, ce qui peut rendre les négociations longues et complexes.


A. Principes applicables

Selon l’article 1112 du Code civil, les pourparlers doivent respecter les principes de liberté, bonne foi et loyauté. Chaque partie est libre d’initier ou de rompre les négociations. Toutefois, cette liberté s’exerce dans le respect de la bonne foi : il est interdit d’abuser de la situation, notamment en entretenant des espoirs infondés.

La loyauté entre les parties est essentielle pour garantir des échanges sincères, surtout lorsque des informations sensibles ou stratégiques sont partagées. Les parties sont tenues à une obligation de confidentialité, même en l’absence d’un accord explicite sur ce point. Toute divulgation non autorisée peut entraîner la responsabilité extracontractuelle de son auteur.

La réforme du droit des contrats du 10 février 2016 a introduit une obligation d’information précontractuelle (article 1112-1 du Code civil) : une partie connaissant une information déterminante pour le consentement de l’autre doit la lui communiquer, surtout si l’autre l’ignore légitimement ou lui fait confiance. Cette obligation ne peut ni être exclue ni limitée par contrat.


B. Les formes de pourparlers

La phase de négociation peut donner lieu à la rédaction de divers documents encadrant les échanges :

  • Le contrat de négociation : formalise l’intention des parties d’ouvrir des discussions en vue de conclure un contrat futur.

  • L’accord de préférence : engage une partie à privilégier son partenaire actuel pour la conclusion du contrat envisagé.

  • Le contrat-cadre : fixe les modalités générales de futurs contrats entre les mêmes parties.

  • La promesse de contrat : acte par lequel une partie s’engage à signer le contrat à des conditions préalablement définies.

Cette liste n’est pas exhaustive ; d’autres documents peuvent aussi encadrer les pourparlers.


C. La rupture des négociations

Il est possible que les discussions ne débouchent pas sur un accord. Une rupture reste toujours envisageable, même après de longues négociations, à condition qu’elle soit justifiée et non brutale. Les tribunaux sanctionnent les ruptures sans motif valable ou faites de manière soudaine.

En cas de litige, la partie lésée peut saisir la juridiction civile ou commerciale compétente. L’action est fondée sur la responsabilité extracontractuelle (article 1240 du Code civil), puisqu’aucun contrat n’a encore été formé. Une partie qui met fin à des négociations avancées sans raison légitime peut être tenue de réparer le préjudice causé à l’autre.

Le processus de formation d’un contrat

Un contrat est un accord de volontés entre deux ou plusieurs parties, qui produit des effets juridiques. Il peut créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations (article 1101 du Code civil). Une fois conclu, le contrat lie juridiquement les parties engagées.


A. Les conditions de formation d’un contrat

Selon l’article 1113 du Code civil, un contrat se forme par la rencontre d’une offre et d’une acceptation exprimant la volonté de s’engager. Cette volonté peut se manifester par un acte explicite (déclaration) ou un comportement non équivoque.

  • L’offre doit contenir les éléments essentiels du contrat et démontrer la volonté ferme de son auteur d’être lié en cas d’acceptation.

  • L’acceptation est l’accord de la personne à qui l’offre est adressée, dans les termes proposés.

La formation du contrat dépend de sa nature :

  • Contrats consensuels : la seule volonté des parties suffit (ex. : contrat de vente).

  • Contrats solennels : la loi exige un écrit (ex. : contrat de mariage).

  • Contrats réels : le contrat se forme avec la remise d’un bien (ex. : contrat de gage).


B. Le principe de liberté contractuelle

La formation d’un contrat repose sur le principe de liberté contractuelle, qui garantit à chacun :

  • La liberté de choisir son cocontractant ;

  • La liberté de conclure ou non un contrat ;

  • La liberté d’en définir le contenu, dans le respect de l’ordre public (article 6 du Code civil) et des règles impératives prévues par la loi.

Cependant, cette liberté connaît certaines limitations :

  • Le choix du cocontractant peut être restreint, comme dans le cas du droit de préemption d’un locataire lors de la vente d’un logement.

  • La loi peut imposer la conclusion d’un contrat, par exemple l’assurance responsabilité civile obligatoire pour les automobilistes.

  • Le contenu du contrat peut être fixé unilatéralement, notamment dans les contrats d’adhésion comme ceux proposés par la SNCF ou les compagnies d’assurance.

Les conditions de validité d’un contrat

Un contrat n’a de valeur juridique que s’il est valablement formé. L’article 1128 du Code civil énonce trois conditions essentielles à sa validité :

1. Le consentement libre et éclairé

Chaque partie doit donner son accord de manière volontaire, en toute connaissance de cause. Ce consentement ne doit pas être entaché de vices :

  • Erreur : une partie s’est trompée sur un élément essentiel du contrat.

  • Dol : une partie a été trompée volontairement par l’autre.

  • Violence : une partie a été contrainte par des pressions physiques, morales ou des circonstances extérieures irrésistibles.

2. La capacité juridique

Pour contracter, il faut avoir la capacité juridique, c’est-à-dire être majeur (18 ans) et ne pas être frappé d’une incapacité (ex. : tutelle).
On distingue :

  • La capacité de jouissance : pouvoir détenir des droits.

  • La capacité d’exercice : pouvoir les exercer soi-même.

3. Un contenu licite et certain

Le contrat doit avoir un objet légal, déterminé ou déterminable, présent ou futur. Il ne doit en aucun cas aller à l’encontre de la loi ou de l’ordre public.

Les sanctions possibles

Le non-respect d’une de ces conditions entraîne la nullité du contrat :

  • Nullité relative : protège un intérêt personnel (ex. : contrat passé avec un incapable).

  • Nullité absolue : protège l’ordre public ou l’intérêt général (ex. : contrat portant sur un objet illicite).


Les clauses du contrat

Le contrat est un acte personnalisable : les parties y insèrent des clauses qui précisent leurs droits et obligations.
On distingue :

  • Les clauses générales (objet, prix…),

  • Les clauses particulières, adaptées à la situation des cocontractants.

Exemples de clauses fréquemment utilisées :

  • Clause de réserve de propriété : le vendeur reste propriétaire du bien jusqu’au paiement complet.

  • Clause d’indexation : ajuste le prix en fonction d’un indice (inflation, cours…).

  • Clause de renégociation : prévoit une révision du contrat en cas de changement important de circonstances.

  • Clause limitative/exclusive de responsabilité : réduit ou écarte la responsabilité d’une partie en cas d’inexécution. Elle est valable si librement acceptée et si elle ne vide pas le contrat de sa substance.

  • Clause résolutoire : prévoit la résiliation automatique du contrat en cas de manquement.

  • Clause pénale : fixe à l’avance une somme à payer en cas d’inexécution.

⚠️ Une clause abusive, qui crée un déséquilibre significatif entre les parties, est réputée non écrite.


Les effets juridiques du contrat

A. La force obligatoire du contrat

Les articles 1103 et 1193 du Code civil précisent que le contrat fait loi entre les parties. Cela implique :

  • L’obligation d’exécuter le contrat de bonne foi ;

  • L’impossibilité de le modifier ou de l’annuler sans l’accord mutuel ou un motif légal ;

  • L’interdiction des modifications unilatérales ;

  • Le contrat ne produit d’effet qu’entre les parties (principe de relativité).

B. Le rôle du juge

Le juge doit respecter la volonté contractuelle exprimée. Il ne peut pas interpréter une clause claire ou la modifier. Toutefois, en cas de déséquilibre causé par un événement imprévisible, le juge peut intervenir :

Article 1195 du Code civil : si l’exécution devient excessivement onéreuse en raison de circonstances imprévues, une renégociation peut être demandée. Si elle échoue, les parties peuvent :

  • Résoudre le contrat,

  • Demander au juge d’en adapter les termes ou d’y mettre fin.

C. L’inexécution du contrat

Lorsque l’une des parties n’exécute pas ses engagements :

  • Exécution forcée : le créancier peut demander au juge d’obliger le débiteur à respecter ses obligations (en nature ou par équivalent – dommages-intérêts).

  • Exception d’inexécution : dans un contrat synallagmatique, une partie peut suspendre sa propre exécution si l’autre ne respecte pas ses obligations.

  • Résolution ou résiliation :

    • Résolution (contrats à exécution instantanée) : annule rétroactivement le contrat.

    • Résiliation (contrats à exécution successive) : met fin au contrat pour l’avenir seulement.

📌 Ne pas confondre :

  • Nullité : défaut de validité du contrat à sa formation.

  • Résolution / Résiliation : sanction d’une mauvaise exécution.