Comment les activités économiques sont-elles régulées par le droit ?

La régulation des marchés vise à assurer un fonctionnement équilibré et transparent des échanges, au service de l’ordre public économique et social, en préservant à la fois l’efficacité des marchés et la protection des acteurs (consommateurs, PME, concurrence loyale). L’État s’appuie pour cela sur des autorités administratives indépendantes (AAI) dotées de pouvoirs d’enquête, de décision et de sanction, dont l’Autorité de la concurrence qui veille au respect des règles concurrentielles, contrôle certaines fusions-acquisitions, et émet des avis au service des politiques publiques. Parallèlement, pour encourager le progrès technique et la différenciation, le droit reconnaît des monopoles de propriété industrielle (brevets, marques, dessins et modèles) encadrant l’innovation et la communication commerciale.


1. Le droit de la concurrence

Liberté de la concurrence et cadre multi-niveaux

  • Le principe de liberté de la concurrence découle historiquement de la liberté du commerce et de l’industrie et s’exprime aujourd’hui dans des règles nationales (Code de commerce) et européennes (TFUE), afin d’éviter les distorsions dans le marché intérieur.

  • En pratique, cette liberté s’articule avec des interdictions de comportements qui faussent la concurrence et des contrôles ex ante des concentrations susceptibles d’entraver le jeu concurrentiel.

Rôle et missions de l’Autorité de la concurrence

  • L’Autorité fait respecter les règles du jeu concurrentiel en luttant contre les ententes et les abus de position dominante, en contrôlant les concentrations, et en rendant des avis/recommandations sectoriels auprès des pouvoirs publics.

  • Priorités récentes: marchés numériques, intégration de la durabilité dans le droit de la concurrence, protection du pouvoir d’achat, et vigilance sur les secteurs clés (grande distribution, énergie, transports).

 

Méthode CEJM :

  • Identifier l’infraction visée : entente - abus ou concentration

  • Qualifier les faits : marché pertinent, acteurs, effets

  • Rappeler la base légale : Code de commerce - TFUE

  • Discuter les pouvoirs de l’Autorité : enquête, injonctions, sanctions

Les pratiques anticoncurrentielles

  1. Ententes (horizontales et verticales)

  • Définition : accords, décisions d’associations ou pratiques concertées entre entreprises restreignant la concurrence (ex.: fixation des prix, partage de marchés, limitation de production).

  • Cadre juridique : article 101 TFUE (incompatibilité avec le marché intérieur) et, en droit français, l’article L. 420-1 du Code de commerce (interdiction des ententes).

  • Exemples : entente horizontale entre concurrents sur des tarifs; entente verticale imposant des prix de revente ou des exclusivités injustifiées.

  1. Abus de position dominante

  • Définition : exploitation abusive par une entreprise d’une position dominante sur un marché (refus de vente, ventes liées, prix prédateurs, conditions discriminatoires).

  • Cadre juridique : article 102 TFUE et article L. 420-2 du Code de commerce (seul l’abus est sanctionné, pas la position dominante en soi).

  • Remarque clé : une part de marché élevée ne suffit pas à prouver l’abus; il faut analyser le marché pertinent, les barrières à l’entrée et les effets sur la concurrence.

  1. Contrôle des concentrations

  • Objet : vérifier que fusions/rachats ne créent pas ou ne renforcent pas une position dominante compromettant la concurrence; possibilité d’acceptation, d’acceptation avec remèdes ou d’interdiction.

  • Actualité : volumes de dossiers élevés et réflexion sur le traitement de certaines opérations sous les seuils, liées notamment au numérique et à l’innovation.

Sanctions et instruments

  • L’Autorité peut prononcer injonctions (cessation/réparation), sanctions pécuniaires (jusqu’à 10% du chiffre d’affaires mondial), publier ses décisions ; elles peuvent être contestées devant les juridictions compétentes.

  • Elle mobilise aussi des procédures négociées/accélérées et des engagements/remèdes lors du contrôle des concentrations pour préserver la concurrence.

Exemple d’application :

  • Centrale d’achat qui coordonne des conditions commerciales entre concurrents : risque d’entente horizontale et injonctions/sanctions.

  • Plateforme numérique dominant un segment et imposant des clauses d’exclusivité : risque d’abus selon effets sur l’accès des rivaux.


2. Le droit de la propriété industrielle

Objectif général : stimuler l’innovation et la différenciation par l’octroi de titres conférant un monopole d’exploitation (temps limité pour les brevets) ou un droit exclusif (marques), sous contrôle d’offices (INPI/OEB) et dans des cadres nationaux, européens et internationaux.

2.1. Brevets

  • Objet : protéger une invention technique (produit/procédé) nouvelle, impliquant une activité inventive et susceptible d’application industrielle; certaines catégories sont exclues (ex.: programmes d’ordinateur en tant que tels).

  • Stratégie de dépôt : le premier déposant est titulaire; éviter toute divulgation préalable qui détruirait la nouveauté; possibilité de cessions et de licences.

  • Durée et portée : monopole d’exploitation de 20 ans à compter du dépôt (sous réserve du paiement des annuités); interdiction, sans consentement, de fabriquer, offrir, commercialiser, utiliser, importer ou détenir l’objet protégé.

  • Niveaux de protection :

    • France : dépôt à l’INPI (titre national).

    • Europe : brevet européen délivré par l’OEB (validation par pays). Option depuis 2023: brevet européen à effet unitaire (protection uniforme dans les États participants).

    • International : systèmes de centralisation de procédure (PCT) avant entrées nationales/régionales.

  • Brevet unitaire et JUB : depuis le 1er juin 2023, le brevet européen à effet unitaire offre une protection unifiée dans les États participants ; une Juridiction unifiée du brevet (JUB) connaît des litiges de validité/contrefaçon au niveau européen.

 

Méthode CEJM :

  • Vérifier la brevetabilité : nouveauté, activité inventive, application industrielle

  • Choisir la voie de dépôt : national/européen/unitaire/international

  • Protéger la confidentialité avant dépôt

  • Prévoir la valorisation (licence/cession) et la défense (veille/preuve)

2.2. Marques

  • Définition (art. L711-1 CPI) : la marque est un signe servant à distinguer les produits/services d’une personne de ceux d’autres personnes (dénomination, logo, son, etc.); elle doit être distinctive et non descriptive.

  • Disponibilité : recherche d’antériorité indispensable avant dépôt (INPI, EUIPO pour l’UE); le signe ne doit pas être déjà protégé ni contraire à l’ordre public.

  • Classes de Nice : au dépôt, il faut désigner précisément les produits/services par classes (45 classes); la protection ne couvre que les classes choisies, d’où l’enjeu stratégique du libellé.

  • Durée : en France, 10 ans renouvelables indéfiniment (redevances et usage sérieux requis).

Classes INPI :

  • Plus on élargit les classes, plus le coût et la surveillance augmentent; mieux vaut un périmètre pertinent que trop large.

  • La cohérence entre l’usage réel et les classes revendiquées sécurise la marque et évite la déchéance partielle.

2.3. Sanctions (brevets et marques)

  • La contrefaçon engage la responsabilité civile (dommages-intérêts, mesures d’interdiction, saisies, publications), et peut constituer une infraction pénale (peines prévues par le CPI et le Code pénal).

  • La JUB traite désormais certains litiges liés aux brevets européens unitaires/« opt-in » selon le régime choisi.

Exemple d’application:

  • Une PME dévoile publiquement son procédé avant dépôt: perte de nouveauté → brevet refusé; privilégier accords de confidentialité (NDA) et dépôts rapides.

  • Une start-up choisit un nom descriptif pour son service: refus à l’enregistrement; retravailler un signe distinctif, vérifié en antériorité et aligné sur les classes utiles.

 


Points-clés à retenir

  • La régulation promeut des marchés efficaces et loyaux, par la prévention/sanction des pratiques anticoncurrentielles et le contrôle des concentrations.

  • L’Autorité de la concurrence ajuste ses priorités aux enjeux actuels: numérique, durabilité, pouvoir d’achat, secteurs sensibles.

  • La propriété industrielle est un levier de compétitivité : brevet pour l’invention technique; marque pour distinguer l’offre et sécuriser l’identité commerciale.

  • Nouveauté 2023 : brevet européen à effet unitaire et Juridiction unifiée du brevet pour une protection et un contentieux plus centralisés.

  • En CEJM, toujours articuler définition juridique, base légale, application pratique et enjeux stratégiques (coût, risque, time-to-market).