CAS PRATIQUE – Relations de travail
Répar’Auto 37
Situation
L’entreprise Répar’Auto 37, un garage de mécanique automobile situé en Indre-et-Loire, fait appel depuis trois ans à Thomas, qui réalise des interventions de réparation sur des véhicules de clients professionnels.
Le contrat qui les lie est intitulé « Contrat de prestation de services – Mécanicien indépendant ».
Au quotidien, Thomas :
-
se rend chaque matin au garage pour récupérer la liste des réparations du jour établie par le chef d’atelier ;
-
porte une combinaison de travail au nom du garage ;
-
utilise exclusivement les outils et équipements appartenant à Répar’Auto 37 ;
-
doit respecter des délais précis ;
-
reçoit des instructions quotidiennes du chef d’atelier ;
-
peut être écarté temporairement des interventions en cas de retard ou de non-respect des consignes.
Avec la baisse récente d’activité, la direction de Répar’Auto 37 souhaite :
-
envoyer Thomas travailler régulièrement sur un deuxième site, situé à 40 km ;
-
lui faire signer une clause de non-concurrence pour éviter qu’il rejoigne un autre garage voisin ;
-
réduire son amplitude horaire et réorganiser ses horaires de travail.
Thomas refuse ces changements.
La direction envisage alors de mettre fin à la relation contractuelle.
QUESTIONS
-
Thomas doit-il être considéré comme un salarié ou comme un travailleur indépendant ?
-
Les clauses de mobilité et de non-concurrence envisagées sont-elles valables ?
-
La modification de ses horaires relève-t-elle du contrat de travail ou des simples conditions de travail ?
-
Quels modes de rupture sont possibles selon la qualification retenue ?
-
Quels risques Répar’Auto 37 encourt-elle si les juges requalifient la relation en contrat de travail ?
Eléments de correction
1. Salarié ou travailleur indépendant ?
Éléments juridiques à mobiliser :
Le contrat de travail est caractérisé par :
-
une prestation de travail,
-
une rémunération,
-
un lien de subordination juridique (critère déterminant en jurisprudence).
Le lien de subordination existe lorsqu’une personne :
-
reçoit des ordres,
-
voit leur exécution contrôlée,
-
peut être sanctionnée.
Application au cas :
➡ Thomas :
-
reçoit des instructions quotidiennes,
-
suit une organisation imposée par la hiérarchie,
-
porte l’uniforme de l’entreprise,
-
travaille avec le matériel fourni,
-
peut être sanctionné.
Ces éléments caractérisent un lien de subordination.
Conclusion
→ Thomas doit être considéré comme un salarié, peu importe la dénomination « prestataire indépendant ».
Les juges requalifieraient très probablement la relation en contrat de travail.
2. Validité des clauses de mobilité et de non-concurrence
Clause de mobilité
Pour être valable, elle doit :
-
définir précisément la zone géographique ;
-
être justifiée par l’intérêt de l’entreprise ;
-
être proportionnée ;
-
respecter un délai de prévenance.
➡ Ici : aucune clause écrite n’existe (puisqu’il n’y a pas encore de contrat de travail formalisé).
On ne peut donc pas imposer une mobilité à Thomas.
Clause de non-concurrence
Pour être licite, elle doit respecter les conditions suivantes :
-
être écrite,
-
être justifiée,
-
être limitée dans le temps et dans l’espace,
-
comporter une contrepartie financière réelle,
-
ne pas empêcher le salarié de retrouver un emploi.
➡ La clause envisagée pourrait être valide si elle remplit toutes ces conditions.
Mais elle ne peut pas être imposée unilatéralement à Thomas : son accord est indispensable.
Conclusion
→ Aucune de ces clauses ne peut s’appliquer sans contrat de travail valide et accord du salarié.
3. Modification des horaires : contrat ou conditions de travail ?
Rappel juridique :
-
Modification du contrat = modification d’un élément essentiel → nécessite l’accord du salarié.
-
Modification des conditions de travail = simple organisation du travail → relève du pouvoir de direction de l’employeur.
La jurisprudence considère que :
-
une modification importante des horaires (travail de nuit / weekend, amplitude modifiée, changement de rythme) = modification du contrat.
-
un aménagement léger des horaires = simple condition de travail.
Application au cas :
Répar’Auto 37 souhaite :
« réduire et réorganiser ses horaires ».
Si cette réorganisation :
-
change l’amplitude,
-
modifie la durée du travail,
-
touche à des horaires habituels fixes,
→ modification du contrat → nécessite l’accord de Thomas.
Conclusion
→ La modification est probablement substantielle.
Le refus de Thomas serait légitime.
4. Moyens de rupture selon la qualification
Si Thomas est salarié :
L’entreprise pourrait envisager :
-
un licenciement pour motif personnel, mais seulement si une cause réelle et sérieuse existe (ici, ce serait difficile).
-
un licenciement pour motif économique, mais il faut justifier d’une baisse d’activité durable et rechercher un reclassement.
-
une rupture conventionnelle, si les deux parties sont d’accord.
Si Thomas est indépendant :
L’entreprise peut simplement :
-
mettre fin au contrat commercial selon les modalités prévues (préavis contractuel).
Mais attention à la requalification !
Si Thomas saisit les prud’hommes, la rupture pourrait être transformée en :
-
licenciement sans cause réelle et sérieuse,
-
ouvrant droit à des dommages et intérêts.
5. Risques juridiques en cas de requalification
Si Répar’Auto 37 rompt la relation comme un simple contrat commercial, mais que la justice requalifie en contrat de travail, l’entreprise risque :
✔ Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
→ entre 1 et 20 mois de salaire selon le barème Macron.
✔ Indemnité compensatrice de préavis
-
congés payés.
✔ Rappel de salaires (heures supplémentaires, indemnités non versées…).
✔ Rappels de cotisations sociales
URSSAF peut réclamer plusieurs années de cotisations + pénalités.
✔ Amende pour travail dissimulé, si intention frauduleuse
→ jusqu’à 45 000 € + peines complémentaires.
Conclusion du cas
-
La relation doit être requalifiée en contrat de travail.
-
Les clauses envisagées (mobilité, non-concurrence) sont inapplicables sans accord et sans contrat valide.
-
La modification des horaires constitue probablement une modification du contrat, nécessitant l’accord de Thomas.
-
La rupture présente des risques élevés pour Répar’Auto 37 en cas de requalification.