Quelles sont les principales évolutions

du marché du travail ?

 

1. Un marché du travail français en pleine mutation

A. Des déterminants individuels et macroéconomiques influencent l’offre et la demande de travail

Le fonctionnement du marché du travail peut être analysé à partir de deux comportements fondamentaux :

1. Les déterminants de l’offre de travail

Du point de vue microéconomique, l’individu arbitre entre temps de travail et temps de loisir. L’offre de travail dépend donc :

  • du salaire réel, variable déterminante dans les modèles néoclassiques : plus le salaire est élevé, plus l’individu est incité à offrir du travail (effet de substitution) ;

  • des préférences individuelles (valeur accordée au loisir, conditions de travail) ;

  • du niveau de qualification, qui conditionne le type d’emplois accessibles ;

  • de la mobilité géographique et professionnelle.

Sur le plan macroéconomique, l’offre globale de travail dépend de :

  • la taille de la population active, influencée par la démographie et l’immigration ;

  • le taux d’activité, lui-même lié aux normes sociales, au taux d’emploi des femmes, ou encore à l’âge légal de départ à la retraite ;

  • les investissements publics en éducation, santé et formation, qui relèvent de la théorie de la croissance endogène : ils améliorent le capital humain et donc la productivité future de la main-d’œuvre.

2. Les déterminants de la demande de travail

Selon la théorie néoclassique, la demande de travail dépend du coût du travail par rapport à la productivité marginale du travail. Une entreprise n’embauche que si un salarié supplémentaire apporte plus de valeur qu’il ne coûte.

La demande de travail est influencée par :

  • le niveau de production, lui-même lié à la demande anticipée ;

  • les choix de combinaison productive (capital vs travail) : l’automatisation peut réduire la demande de travail peu qualifié ;

  • la concurrence internationale, qui incite certaines entreprises à maîtriser les coûts salariaux ;

  • le taux de croissance économique, déterminant essentiel de la demande globale de travail au niveau national.

 

B. Un marché du travail segmenté : dualité et hétérogénéité

Contrairement à la vision néoclassique d’un marché unifié et homogène, le marché français du travail présente une forte segmentation, ce qui s’explique par les théories institutionnalistes.

1. La segmentation interne/externe

  • Marché interne : régulé par des règles propres à l’entreprise, favorisant la stabilité, l’ancienneté, la promotion interne.

  • Marché externe : régi par la concurrence, où les travailleurs recrutés passent par le marché “ouvert”.

Les salariés du marché interne bénéficient souvent d’une meilleure protection.

2. Marché primaire / marché secondaire

  • Marché primaire : emplois stables, CDI, salaires élevés, perspectives d’évolution.

  • Marché secondaire : emplois précaires (CDD, intérim), bas salaires, rotation élevée.

Cette dualité renforce la distinction entre :

  • insiders : salariés intégrés et protégés, dont la présence rend les entreprises réticentes à embaucher, car les insiders défendent leurs avantages ;

  • outsiders : jeunes, chômeurs de longue durée, individus peu qualifiés, souvent exclus des protections du marché interne.

Ce modèle est analysé par la théorie des contrats implicites et les théories de l’appariement (matching), notamment le modèle Diamond-Mortensen-Pissarides : frictions, asymétries d’information et inadéquation des compétences expliquent les difficultés à faire correspondre offre et demande.

 

C. Un marché soumis à des déséquilibres persistants

Un déséquilibre apparaît lorsque l’offre de travail diffère de la demande.

1. Le chômage : excès d’offre

Lorsque l’offre de travail excède la demande, différents types de chômage peuvent apparaître :

  • chômage conjoncturel : dû à un ralentissement de la croissance ;

  • chômage structurel : lié à l’inadéquation entre compétences et besoins des entreprises ;

  • chômage frictionnel : lié au temps nécessaire pour trouver un emploi (frictions du marché).

Le chômage structurel est influencé par le salaire minimum, le coût du travail, les réglementations, mais aussi par les mutations technologiques qui détruisent certains emplois tout en en créant d’autres (désindustrialisation, digitalisation).

2. Les tensions sur certains segments

Inversement, lorsque la demande dépasse l’offre pour des métiers ou qualifications spécifiques (informatique, santé, bâtiment…), on parle de marché du travail en tension.
Cela révèle des problèmes d’orientation, de formation, de mobilité ou d’attractivité des métiers.

 

 

2. L’État et les politiques de l’emploi

Les politiques de l’emploi visent à corriger les déséquilibres du marché du travail et à améliorer son fonctionnement.

A. Les différentes catégories de politiques de l’emploi

1. Mesures générales / mesures ciblées

  • Les mesures générales concernent l’ensemble des travailleurs ou des entreprises (baisse de charges sociales, assouplissement du droit du travail).

  • Les mesures ciblées visent des groupes vulnérables : jeunes, seniors, chômeurs de longue durée, peu qualifiés.

L’objectif est d’améliorer l’employabilité, c’est-à-dire l’ensemble des compétences qui permettent à un individu de trouver et de garder un emploi.

2. Mesures actives / passives

  • Mesures actives : elles augmentent l’incitation à travailler ou améliorent la qualification
    (formation professionnelle, aide à la création d’emplois, contrats aidés, accompagnement par Pôle Emploi).

  • Mesures passives : elles assurent un revenu aux personnes sans emploi
    (indemnisation du chômage, préretraites).

Selon les théories économiques, l’efficacité des mesures actives dépend de leur capacité à réduire les frictions du marché et à favoriser la mobilité professionnelle.
Les mesures passives, elles, protègent le revenu mais peuvent réduire l’incitation à reprendre un emploi selon certains modèles (effet de désincitation).

 

B. Les politiques actuelles ciblées sur les jeunes

En France, le chômage des jeunes dépasse 20 %, contre environ 15 % dans l’UE. Ce phénomène s’explique par :

  • une entrée tardive sur le marché du travail ;

  • une difficulté d’accès au premier emploi ;

  • la forte proportion de jeunes non diplômés ;

  • la segmentation du marché du travail (les jeunes sont surreprésentés dans le marché secondaire).

L’État met donc en place des mesures actives ciblées, centrées sur :

  • le développement de l’apprentissage, encouragé par des aides financières aux entreprises ;

  • la professionnalisation des formations ;

  • l’accompagnement personnalisé (missions locales, garantie jeunes, contrats d’engagement jeune) ;

  • la montée en compétences (compte personnel de formation, programmes de remise à niveau).

Ces mesures visent à renforcer l’adéquation entre les compétences des jeunes et les besoins des entreprises, conformément aux théories de l’appariement et du capital humain.