CAS PRATIQUE : La preuve électronique
dans la relation de travail
Votre situation :
L’entreprise Tech’IN Solutions, spécialisée dans la maintenance informatique, emploie 45 salariés. Au sein du service RH, vous travaillez comme assistant(e) en appui du responsable RH. Depuis plusieurs mois, un technicien, M. Karim L., est régulièrement en retard pour ses interventions. Après plusieurs rappels oraux, le responsable d’équipe décide d’adresser un avertissement disciplinaire. M. Karim conteste formellement l’avertissement. Il affirme qu’il n’a jamais été prévenu des nouveaux horaires mis en place depuis janvier et qu’aucune note interne ne lui a été transmise. Pour le contredire, le manager transmet au service RH :
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une capture d’écran d’un message publié sur le groupe WhatsApp de l’équipe, présentant les nouveaux horaires ;
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une signature électronique du planning validé par l’ensemble de l’équipe via la plateforme interne TimePro ;
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des fichiers numériques d’horodatage des interventions, téléchargés depuis une tablette mise à disposition du salarié.
Le salarié affirme néanmoins que :
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la capture d’écran ne peut pas servir de preuve,
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il n’a pas signé électroniquement le planning,
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les horodatages peuvent être modifiés par l’entreprise et ne sont pas fiables.
Le service RH vous demande de préparer une note structurée pour vérifier si ces éléments numériques peuvent constituer des preuves recevables en cas de litige.
Votre travail :
Rédiger une réponse structurée en 4 parties :
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Les faits
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La problématique juridique
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Les textes de loi applicables (appuyez-vous sur les annexes)
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Conclusion pratique : quels éléments peuvent être retenus comme preuve ? sous quelles conditions ?
ANNEXES
Annexe 1 : Capture d’écran – message WhatsApp du manager
« Bonjour à tous,
À partir du 3 janvier, nouveaux horaires pour optimiser les interventions : 8h30–12h30 / 13h30–17h30.
Merci de valider le planning dans TimePro avant vendredi. »
(Message publié le 20 décembre – groupe WhatsApp “Équipe Tech’IN – Techniciens”)
Annexe 2 : Extrait du planning validé – plateforme TimePro
Planning Janvier – Équipe Techniciens
Mention « Validé électroniquement le 22/12 par : M. Karim L. »
Code de signature électronique : TS-22KL-01
Certification de la plateforme : TimePro – Système certifié eIDAS niveau avancé
Annexe 3 : Textes de loi (extraits)
Article 1366 du Code civil – recevabilité de l’écrit électronique
« L’écrit électronique a la même force probante que l’écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’intégrité. »
Article 1367 du Code civil – signature électronique
« La signature nécessaire à la perfection d’un acte juridique identifie son auteur. Lorsqu'elle est électronique, elle consiste en l’usage d’un procédé fiable d’identification.
La fiabilité est présumée lorsque la signature électronique est créée dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. »
Article 9 du Code de procédure civile – charge de la preuve
« Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. »
Article L. 1222-4 du Code du travail – information du salarié
« Aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance. »
Annexe 4 : Rappel jurisprudentiel
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La jurisprudence admet qu’une capture d’écran peut être une preuve recevable, à condition qu’elle ne porte pas atteinte à la vie privée et qu’elle ne soit pas obtenue de manière déloyale.
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Les signatures électroniques qualifiées ou avancées bénéficient d’une présomption de fiabilité.
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Les fichiers numériques horodatés sont recevables si l’employeur prouve que le système utilisé garantit l’intégrité des données.
Corrigé du cas pratique – La preuve électronique
1. Les faits
Dans l’entreprise Tech’IN Solutions, un technicien, M. Karim L., conteste un avertissement disciplinaire infligé en raison de retards répétés. Il affirme ne pas avoir été informé des nouveaux horaires instaurés en janvier.
L’employeur souhaite démontrer qu’il a bien communiqué l’information et que le salarié en avait connaissance. Il propose pour cela trois éléments numériques :
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une capture d’écran d’un message WhatsApp où le manager annonce les nouveaux horaires ;
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un planning validé par signature électronique sur la plateforme TimePro ;
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des fichiers horodatés issus de la tablette professionnelle, permettant de vérifier les heures d’intervention.
Le salarié conteste la valeur de ces preuves, estimant :
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que la capture d’écran n’a pas de valeur probante,
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qu’il n’a pas signé électroniquement le planning,
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que les données horodatées peuvent être modifiées.
Le service RH doit vérifier si ces éléments sont recevables comme preuves.
2. La problématique juridique
Les éléments numériques fournis par l’employeur peuvent-ils constituer des preuves recevables et fiables pour justifier l’avertissement disciplinaire ?
Plus précisément :
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Une capture d’écran WhatsApp peut-elle être utilisée comme preuve ?
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La signature électronique du planning est-elle fiable et opposable au salarié ?
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Les horodatages numériques sont-ils valables si le système garantit leur intégrité ?
La problématique porte donc sur la force probante de la preuve électronique en droit du travail.
3. Les textes de loi applicables
a) Sur la recevabilité générale de l’écrit électronique
Article 1366 du Code civil
→ L’écrit électronique a la même valeur que le papier si :
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l’auteur peut être identifié,
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l’intégrité du document est garantie.
b) Sur la signature électronique
Article 1367 du Code civil
→ La signature électronique a la même valeur qu’une signature manuscrite si elle utilise un système fiable.
→ La fiabilité est présumée pour les signatures conformes au règlement européen eIDAS (signature avancée ou qualifiée).
c) Sur la preuve en procédure
Article 9 du Code de procédure civile
→ Chaque partie doit prouver les faits qu’elle avance.
d) Sur l’information préalable du salarié
Article L. 1222-4 du Code du travail
→ Le salarié doit être informé de tout dispositif permettant de collecter des données personnelles (par ex. tablette et horodatage).
e) Sur les règles jurisprudentielles (annexe 4)
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Les captures d’écran sont recevables si obtenues de manière loyale.
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Les signatures électroniques avancées/qualifiées bénéficient d’une présomption de fiabilité.
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Les horodatages sont recevables si le système garantit intégrité et traçabilité.
4. Conclusion pratique
1) La capture d’écran WhatsApp
✔ Admissible comme preuve, car :
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obtenue de manière loyale (sur un groupe professionnel dont le salarié fait partie),
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pertinente pour informer l’équipe.
⚠ Elle devra toutefois être accompagnée d’autres éléments pour renforcer sa valeur probante.
2) La signature électronique du planning
✔ Preuve très solide, car :
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réalisée via une plateforme certifiée eIDAS niveau avancé,
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présomption de fiabilité (art. 1367 C. civ.),
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trace de validation avec code unique.
Le salarié devra prouver qu’il n’a pas signé, ce qui est difficile.
3) Les fichiers horodatés issus de la tablette professionnelle
✔ Preuves recevables, à condition que :
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le système utilisé garantisse l’intégrité des données,
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le salarié ait été informé de l’utilisation de ce dispositif (obligation de l’employeur – art. L. 1222-4 C. trav.).
Si ces conditions sont réunies, ces données peuvent parfaitement appuyer l’avertissement.
Conclusion générale
→ Les trois preuves électroniques sont globalement recevables, mais leur force probante varie.
La signature électronique est la plus solide juridiquement.
Les horodatages sont recevables si l’information préalable du salarié est démontrée.
La capture d’écran peut être utilisée mais reste la preuve la moins robuste seule.
Ainsi, l’employeur dispose d’éléments suffisants pour justifier l’avertissement disciplinaire.