Quels sont les choix stratégiques opérés par l’entreprise ?
La prise de décision stratégique et les choix stratégiques de l’entreprise
1. Les limites de la rationalité dans la prise de décision
Herbert Simon montre que, même si l’objectif du décideur est d’agir de manière rationnelle, sa rationalité est en réalité limitée. Cette notion renvoie au fait que, dans un environnement complexe et incertain, le dirigeant ne dispose jamais :
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ni de toutes les informations,
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ni d’un temps illimité,
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ni de ressources financières ou humaines infinies,
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et qu’il est, en plus, influencé par ses biais cognitifs (perceptions subjectives, préférences personnelles, représentations partielles de la réalité…).
Ainsi, au lieu de rechercher « la meilleure solution possible », le décideur se contente souvent d’une solution satisfaisante, c’est-à-dire acceptable compte tenu des contraintes.
De leur côté, Cyert et March développent une vision comportementale de la firme. Pour eux, l’entreprise n’est pas un acteur homogène mais un ensemble de groupes d’intérêt (salariés, dirigeants, actionnaires, fournisseurs…), appelés coalitions. Ces groupes exercent des pressions et négocient les objectifs. Les décisions prises résultent donc :
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d’un jeu de pouvoir,
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d’ajustements successifs,
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et d’une rationalité locale (chaque service ou niveau hiérarchique règle les problèmes un à un selon ses propres priorités).
Ainsi, l’action choisie n’est pas forcément la meilleure pour l’entreprise dans son ensemble : elle est simplement celle autour de laquelle un consensus a pu se former.
2. La détermination des choix stratégiques
Après avoir réalisé un diagnostic stratégique (forces/faiblesses internes et opportunités/menaces externes), les dirigeants analysent les différentes options qui s’offrent à eux. Ces choix dépendent :
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de la taille de l’entreprise,
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de son secteur d’activité,
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de ses ressources,
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et de ses compétences clés.
La stratégie se décline ensuite en deux niveaux : la stratégie globale et les stratégies de domaine.
A. La stratégie globale
La stratégie globale concerne l’entreprise dans son ensemble. Elle vise à orienter son développement à long terme en jouant sur :
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son portefeuille d’activités (spécialisation ou diversification),
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et sa position dans la filière (intégration ou externalisation).
1. Les options stratégiques sur les métiers : spécialisation vs diversification
La matrice Produits-Marchés d’Igor Ansoff (1957) est un outil essentiel pour analyser les stratégies de croissance. Elle croise produits (actuels/nouveaux) et marchés (actuels/nouveaux) pour identifier 4 grandes orientations :
a) La spécialisation
Elle consiste à concentrer l’activité de l’entreprise sur un domaine précis. Elle peut prendre plusieurs formes :
• Pénétration de marché
L’entreprise cherche à renforcer sa présence sur son marché actuel en gagnant des parts de marché face à ses concurrents. Cela implique souvent des investissements commerciaux importants, des prix attractifs ou une production plus efficace.
• Extension de marché
L’entreprise propose ses produits actuels sur un nouveau marché, soit en :
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entrant dans un nouveau pays (internationalisation),
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ciblant un nouveau segment de clientèle.
• Développement de produit
L’entreprise élargit sa gamme autour de son cœur de métier (nouveaux modèles, variations de produits…). Il s’agit d’une innovation liée à ses compétences existantes.
b) La diversification
La diversification consiste à proposer de nouveaux produits sur de nouveaux marchés, souvent éloignés du métier d’origine. Cela implique d’acquérir de nouvelles compétences et de nouveaux savoir-faire.
On distingue plusieurs formes :
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Diversification verticale : l’entreprise intègre les activités de ses fournisseurs (amont) ou celles de ses clients (aval).
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Diversification horizontale : elle ajoute des activités proches ou complémentaires à son métier.
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Diversification concentrique : elle exploite une technologie ou un savoir-faire voisin.
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Diversification en conglomérat : elle entre dans des secteurs totalement différents (groupe multiactivités).
2. Les stratégies sur les filières : intégration vs externalisation
Une filière regroupe toutes les étapes nécessaires à la fabrication, distribution, consommation et recyclage d’un produit.
a) L’intégration
L’entreprise reprend sous son contrôle certaines activités réalisées initialement par d’autres acteurs.
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Intégration verticale amont : elle intègre les activités de ses fournisseurs (ex. : un fabricant qui acquiert une société de matières premières).
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Intégration verticale aval : elle prend le contrôle de la distribution (ex. : un producteur qui ouvre ses propres magasins).
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Intégration horizontale : elle rachète ou fusionne avec des entreprises concurrentes du même secteur (ex. : Volkswagen rachetant Lamborghini).
b) L’externalisation (ou impartition)
L’entreprise confie certaines activités non stratégiques à des partenaires spécialisés (maintenance, logistique, paie…). Plusieurs contrats peuvent être utilisés :
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sous-traitance,
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concession,
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création d’un GIE,
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filiale commune, etc.
B. Les stratégies de domaine (stratégies concurrentielles)
Elles concernent chaque Domaine d’Activité Stratégique (DAS). Leur but est d’obtenir un avantage concurrentiel durable.
Selon Michael Porter, trois stratégies génériques sont possibles :
1. La domination par les coûts
L’entreprise cherche à être le producteur le moins cher de son secteur, sans sacrifier la qualité.
Cela repose sur :
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les économies d’échelle,
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une production optimisée,
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des investissements dans des équipements performants,
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une organisation rigoureuse pour limiter les gaspillages.
2. La différenciation
L’entreprise propose une offre perçue comme unique grâce à :
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la qualité,
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le design,
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les services associés,
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la marque,
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les délais, etc.
Le client accepte alors de payer un prix plus élevé. Mais pour conserver cet avantage, l’entreprise doit innover en permanence, car les concurrents peuvent l’imiter.
3. La focalisation (ou niche)
L’entreprise concentre son activité sur un segment étroit :
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une clientèle spécifique,
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une zone géographique précise,
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ou une catégorie de produits.
Elle cherche alors à devenir la référence sur ce segment, soit par les coûts, soit par la différenciation.
3. Les modalités de développement stratégique
Pour mettre en œuvre sa stratégie, une entreprise peut croître de trois façons : interne, externe ou conjointe.
A. La croissance interne
L’entreprise développe ses activités grâce à ses propres ressources.
Exemples :
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création d’un nouveau produit,
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recrutement de nouveaux salariés,
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investissement dans des technologies ou des innovations.
B. La croissance externe
Elle s’appuie sur l’acquisition d’entreprises existantes, totale ou partielle.
Formes possibles :
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prise de participation (≥ 10 % du capital),
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fusion (A + B = C),
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fusion-absorption (A absorbe B).
C. La croissance conjointe (ou partenariale)
Deux entreprises coopèrent pour réaliser un projet commun tout en restant indépendantes.
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Structures juridiques : filiale commune, GIE.
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Contrats : sous-traitance, concession, franchise.
D. L’internationalisation
L’entreprise se développe à l’étranger pour :
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accéder à de nouveaux marchés,
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se rapprocher de ses fournisseurs,
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réduire ses coûts de production,
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ou renforcer sa présence mondiale.