Exercice d’application - Entreprise : Les Confitures du Bocage (PME agroalimentaire française)

 

Contexte

Les Confitures du Bocage est une PME française située en Dordogne, spécialisée depuis 1985 dans la fabrication artisanale de confitures et gelées à base de fruits locaux. L’entreprise compte 65 salariés et réalise un chiffre d’affaires de 12 millions d’euros. Elle distribue ses produits :

  • dans des épiceries fines,

  • dans certaines grandes surfaces régionales,

  • via son site Internet.

Face à une concurrence croissante (marques industrielles, produits à bas prix, importations), la direction souhaite revoir sa stratégie.

L’entreprise fait face à plusieurs contraintes :

  • manque d’informations fiables sur l’évolution du marché des produits artisanaux,

  • budget marketing limité,

  • dépendance à une seule filière d’approvisionnement (fruits locaux),

  • pressions divergentes entre services (production souhaite rester artisanale, commercial veut augmenter les volumes).

La direction générale réunit son équipe pour réfléchir aux options stratégiques possibles.


Annexe 1 – Organisation interne et ressources

Les Confitures du Bocage emploie 65 salariés répartis dans plusieurs services. Le service production, composé de 25 personnes, est chargé de la fabrication artisanale des confitures et gelées en respectant un savoir-faire traditionnel. Le responsable production insiste particulièrement sur le maintien des recettes originales et refuse toute méthode industrielle qui pourrait accélérer la production. Le service commercial et marketing, qui compte 15 personnes, développe les ventes auprès des épiceries fines, des grandes surfaces régionales et sur le site internet de l’entreprise. Cette équipe souhaite augmenter les volumes vendus et toucher de nouveaux clients. Le service logistique et approvisionnement, avec 10 personnes, gère l’achat des fruits locaux ainsi que la distribution des produits vers les différents points de vente, et est très attaché aux circuits courts et aux relations durables avec les producteurs. Le service recherche et développement, composé de 5 personnes, propose de nouvelles recettes et gammes, comme des confitures bio ou sans sucre ajouté. Enfin, la direction générale et administrative, avec 10 personnes, supervise l’ensemble des services et prend les décisions stratégiques relatives à la production, aux finances et aux ressources humaines. Récemment, un désaccord est apparu entre le service commercial et le service production : le commercial souhaite lancer une campagne nationale pour accroître les ventes, mais le responsable production refuse d’augmenter la production en utilisant des méthodes industrielles.


Annexe 2 – Produits et marchés

Les produits de l’entreprise sont principalement des confitures et des gelées artisanales, à base de fruits tels que la fraise, la framboise, l’abricot ou la prune, conditionnées en pots de 250 grammes ou 500 grammes. L’entreprise propose également des coffrets cadeaux pour les périodes festives, notamment Noël et d’autres fêtes locales. Les marchés actuels de l’entreprise sont composés d’épiceries fines situées en Nouvelle-Aquitaine et en Occitanie, de quelques grandes surfaces régionales, ainsi que de la vente directe via son site internet. Récemment, un distributeur belge a contacté l’entreprise pour proposer ses confitures dans des épiceries fines à Bruxelles. Cette demande a conduit la direction à réfléchir à la possibilité d’exporter sans compromettre les méthodes artisanales qui caractérisent l’entreprise.


Annexe 3 – Filière et partenaires

Les Confitures du Bocage s’approvisionne exclusivement auprès de dix producteurs locaux situés à moins de cinquante kilomètres de l’usine. Les fruits sont donc frais et garantis par des circuits courts. L’entreprise utilise des emballages artisanaux, avec des pots en verre et des étiquettes imprimées localement. La logistique repose sur une combinaison de livraisons internes et de services d’un transporteur régional. Par ailleurs, une PME voisine spécialisée dans le conditionnement a proposé de prendre en charge l’emballage et l’étiquetage de certaines commandes, ce qui pourrait alléger la charge de production. Récemment, un verger local a proposé de vendre son exploitation, et la direction discute de la possibilité de l’acquérir afin de sécuriser l’approvisionnement en fruits rouges pour les prochaines années.


Annexe 4 – Développement et projets

L’entreprise envisage plusieurs projets pour son développement. Le service recherche et développement a proposé une nouvelle gamme de confitures « bien-être », sans sucre ajouté et à faible indice glycémique, destinée aux clients soucieux de leur santé. Dans le cadre de l’extension de marché, l’entreprise réfléchit à exporter ses confitures classiques vers la Belgique et le Luxembourg. Elle étudie également une diversification en lançant des biscuits artisanaux et des tartinades mêlant confiture et miel. Une coopération avec une coopérative de producteurs de miel est envisagée afin de créer une filiale commune pour produire des confitures mélangées au miel, tout en conservant l’indépendance juridique de chaque entreprise. Enfin, l’entreprise prévoit un investissement interne pour mettre en place une nouvelle ligne de production afin d’augmenter sa capacité de fabrication. Récemment, le service R&D a proposé le lancement de la gamme « bien-être », mais le budget marketing limité contraint la décision finale et retarde le projet.


QUESTIONS

1. La prise de décision stratégique

a) Identifiez, dans le contexte de l’entreprise, deux éléments qui illustrent la rationalité limitée selon Herbert Simon.
b) Donnez un exemple d’objectif résultant d’un jeu de pouvoir entre les services, selon la théorie de Cyert et March.


2. Stratégie globale – Matrice Produit/Marché (Ansoff)

L’entreprise envisage plusieurs pistes :

  1. Développer une gamme de confitures « bien-être » (sans sucre ajouté).

  2. Exporter ses confitures classiques vers la Belgique.

  3. Lancer une gamme de biscuits artisanaux (nouveaux produits, nouveaux marchés).

  4. Renforcer sa présence dans les épiceries fines françaises.

Pour chacune de ces pistes, classez-les dans la matrice Produit-Marché (pénétration de marché, extension de marché, développement de produit, diversification).


3. Stratégies sur la filière

L’entreprise hésite entre deux options :

  • Acheter un verger local pour sécuriser son approvisionnement.

  • Sous-traiter l’emballage et l’étiquetage à une PME voisine spécialisée dans le packaging.

a) Identifiez la stratégie correspondante pour chacune des deux options :
→ intégration verticale amont / aval / horizontale ?
→ externalisation ?

b) Expliquez en quoi ces choix peuvent renforcer l’avantage concurrentiel de l’entreprise.


4. Stratégies de domaine – Modèle de Porter

L’entreprise souhaite se positionner clairement pour mieux résister à la concurrence.

a) Quelle stratégie de domaine (domination par les coûts, différenciation ou focalisation) semble la plus adaptée à Les Confitures du Bocage ? Justifiez à partir de son marché et de son identité artisanale.
b) Expliquez quels seraient les risques de choisir une stratégie de domination par les coûts dans ce secteur.


5. Modalités de développement stratégique

Trois opportunités se présentent :

  1. Racheter une petite fabrique de sirops artisanaux.

  2. Créer avec une coopérative de producteurs de miel une entreprise commune pour lancer des produits mixtes miel-confiture.

  3. Investir dans une nouvelle ligne de production afin d’augmenter les capacités actuelles.

Classez chacune des opportunités dans la bonne catégorie :
→ croissance interne, externe ou conjointe ?


6. L’internationalisation

L’entreprise hésite à s’implanter en Belgique.

a) Identifiez deux motivations possibles pour cette internationalisation.
b) Donnez un risque lié à cette décision.


Eléments de correction - structure CEJM (Définition / Lien avec le cas / Conclusion)

 

1. La prise de décision stratégique

La rationalité limitée, concept développé par Herbert Simon, indique que les décisions des dirigeants ne peuvent jamais être parfaitement rationnelles. Elles sont contraintes par un manque d’informations complètes, des ressources limitées et un temps restreint pour agir. Les décisions sont donc souvent des solutions satisfaisantes plutôt que des solutions optimales. La théorie de Cyert et March complète cette analyse en considérant que l’entreprise est composée de coalitions ayant des intérêts différents, et que les objectifs sont négociés entre ces groupes avant toute décision.

Dans le cas des Confitures du Bocage, cette rationalité limitée se manifeste par le choix de lancer ou non une campagne nationale alors que l’entreprise ne dispose pas de données précises sur la demande future et que le budget marketing est restreint. Le conflit entre le service commercial, qui souhaite accroître les ventes, et le service production, qui refuse toute industrialisation, illustre un jeu de pouvoir interne. La décision finale résulte d’un compromis entre les besoins des différentes coalitions.

En conclusion, la prise de décision dans cette PME illustre parfaitement l’influence des contraintes internes et externes sur la rationalité des dirigeants. Les choix stratégiques ne sont pas uniquement basés sur l’analyse objective du marché, mais également sur la négociation et le compromis entre les différents services de l’entreprise.

 

2. Stratégie globale – Matrice Produit/Marché (Ansoff)

La matrice Produit-Marché d’Igor Ansoff permet d’identifier les stratégies de croissance en croisant les produits et les marchés, afin de déterminer les actions possibles pour développer l’entreprise. Les stratégies comprennent la pénétration de marché, l’extension de marché, le développement de produit et la diversification. Cette matrice est un outil pratique pour guider la réflexion stratégique et prioriser les projets selon les ressources et les compétences de l’entreprise.

Pour Les Confitures du Bocage, renforcer la présence dans les épiceries fines françaises correspond à une pénétration de marché, car il s’agit de vendre davantage des produits existants sur des marchés existants. L’exportation vers la Belgique constitue une extension de marché, car les produits sont connus mais le marché est nouveau. La création d’une gamme « bien-être » sans sucre relève d’un développement de produit puisque le marché est existant mais le produit est nouveau. Enfin, le lancement de biscuits artisanaux sur de nouveaux marchés représente une diversification complète.

En conclusion, la matrice Produit-Marché permet à l’entreprise d’organiser ses projets de croissance et de choisir des actions adaptées à son expérience et à ses ressources. Elle met en évidence les différentes voies possibles pour se développer tout en évaluant les risques liés à chaque option.

 

3. Stratégies sur la filière

L’intégration et l’externalisation sont deux stratégies sur la filière permettant à l’entreprise de sécuriser son approvisionnement et d’optimiser ses coûts. L’intégration verticale consiste à reprendre sous contrôle des activités en amont ou en aval de la production, tandis que l’externalisation consiste à confier certaines activités à des partenaires spécialisés. Ces deux approches sont complémentaires et permettent de se concentrer sur le cœur de métier tout en réduisant certains risques.

Dans le cas de l’entreprise, l’achat du verger local correspond à une intégration verticale amont, car elle sécurise la production des matières premières. La sous-traitance de l’emballage et de l’étiquetage auprès d’une PME voisine correspond à une externalisation, car ces activités non stratégiques sont confiées à un partenaire. Ces deux choix permettent de garantir la qualité et la régularité de l’offre, tout en optimisant les coûts et en se concentrant sur l’expertise artisanale.

En conclusion, les stratégies sur la filière adoptées par Les Confitures du Bocage renforcent l’avantage concurrentiel de l’entreprise en combinant sécurité d’approvisionnement et optimisation des ressources. Ces décisions permettent à la PME de mieux répondre aux besoins du marché tout en préservant son identité artisanale.

 

4. Stratégies de domaine – Modèle de Porter

Selon Michael Porter, une entreprise peut se démarquer grâce à trois stratégies de domaine : la domination par les coûts, la différenciation ou la focalisation. Ces stratégies visent à créer un avantage concurrentiel durable sur un marché donné. La domination par les coûts consiste à produire moins cher que les concurrents tout en maintenant la qualité, la différenciation repose sur des caractéristiques uniques du produit, et la focalisation consiste à se concentrer sur un segment précis du marché.

Pour Les Confitures du Bocage, la différenciation semble la plus adaptée car l’entreprise se distingue par la qualité artisanale de ses produits, leur origine locale et leur authenticité. Une stratégie de domination par les coûts serait risquée, car elle impliquerait de mécaniser la production ou de réduire la qualité, ce qui nuirait à l’image artisanale de la marque. La focalisation pourrait également être pertinente si l’entreprise décide de viser exclusivement une clientèle soucieuse de produits artisanaux ou bio.

En conclusion, la stratégie de différenciation permet à l’entreprise de valoriser ses atouts uniques, de fidéliser sa clientèle et de se protéger de la concurrence, tout en restant fidèle à son identité artisanale. Cette stratégie met en avant le savoir-faire et la qualité comme leviers de croissance durable.

 

5. Modalités de développement stratégique

La croissance d’une entreprise peut se réaliser selon plusieurs modalités : interne, externe ou conjointe. La croissance interne repose sur l’investissement dans les ressources propres de l’entreprise pour développer de nouvelles capacités ou produits. La croissance externe consiste à acquérir ou fusionner avec d’autres entreprises afin de renforcer sa présence sur le marché. La croissance conjointe implique une coopération avec un partenaire tout en conservant l’indépendance juridique des entreprises.

Dans le cas des Confitures du Bocage, l’investissement dans une nouvelle ligne de production relève de la croissance interne, car il utilise les ressources propres de l’entreprise pour augmenter sa capacité. Le rachat d’une petite fabrique de sirops artisanaux constitue une croissance externe, car il s’agit d’acquérir une autre entreprise pour élargir l’offre. La création d’une filiale commune avec la coopérative de producteurs de miel correspond à une croissance conjointe, car les deux entreprises mettent en commun des ressources pour développer un projet commun tout en restant juridiquement indépendantes.

En conclusion, l’entreprise dispose de plusieurs modalités de développement complémentaires qui lui permettent de croître de manière maîtrisée, en fonction de ses objectifs, de ses ressources et de son environnement concurrentiel.

 

6. L’internationalisation

L’internationalisation consiste à développer les activités de l’entreprise sur des marchés étrangers pour accroître sa taille, diversifier ses revenus et renforcer sa compétitivité. Elle peut se traduire par l’exportation, l’implantation ou la coopération internationale, et comporte à la fois des opportunités et des risques liés à la logistique, à la réglementation et aux différences culturelles.

Pour Les Confitures du Bocage, l’exportation vers la Belgique permettrait d’accéder à de nouveaux clients et de renforcer la notoriété de la marque sur un marché extérieur. Cette stratégie représente une opportunité de croissance, tout en permettant de valoriser le savoir-faire artisanal et les produits locaux. Cependant, cette démarche comporte des risques, notamment liés au transport, à la réglementation ou aux préférences des consommateurs étrangers, qui peuvent ne pas correspondre aux produits proposés.

En conclusion, l’internationalisation offre à l’entreprise la possibilité de diversifier ses marchés et d’augmenter ses revenus, mais elle nécessite une préparation minutieuse et une adaptation aux contraintes et aux attentes du marché cible.